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Contes et légendes

Contes patois
Contes patois

Les enfants aiment les contes, on pourrait même dire qu'ils en ont besoin. Le conte est généralement tiré de récits oraux qui nous ont été transmis à travers les siècles. Il relève parfois du mythe, du spirituel, de l'enchantement et de l'universel.

La légende est une forme particulière du conte qui se réfère davantage aux caractéristiques du territoire local et à une période précise. Voici alors apparaître nos montagnes, nos torrents, nos pâturages, nos anciennes activités rurales et nos modes de vie ; voici se présenter le Cervin, le Ruitor, le Moyen-âge avec ses châteaux et leurs personnages ; voici aussi saint Martin qui, comme d'autres saints, soutiendra et viendra en aide à la population locale.

Un conte est fait pour être raconté : en écoutant, l'enfant ne subit pas l'influence d'images de l'extérieur mais va au contraire puiser dans son bagage personnel intérieur tout ce qui lui est nécessaire pour « voir » le conte : les personnages, les lieux, les évènements. Cet effort enrichira sa capacité imaginative, voir mnémonique, le rendant ainsi plus indépendant et plus actif par rapport aux nombreuses images qui l'entourent.

Une partie de ces textes sont le résultats une recherche effectuée par Alexis Bétemps dans le cadre du projet Faire Connaître financé par le Programme PITEM Pa.C.E. - Alcotra 2014-2020.

Légende de Noël

Quand l’enfant Jésus naquit, un petit ver de terre passait sur la route. La petite créature vit que tout le monde apportait un présent au nouveau-né et elle aurait voulu lui apporter quelque chose, elle aussi, mais elle était trop petite. Le ver regarda à sa droite, puis à sa gauche, et vit de l’herbe sèche ; il la ramassa et l’apporta au petit Jésus pour lui permettre de dormir plus confortablement.

Reconnaissant, l’enfant Jésus lui offrit une petite lumière qui ne s’allumait que la nuit. Voilà comment est apparue la première luciole.

L'histoire de Bussanin

Il était une fois une maman et un papa qui avaient une petite fille et une vache qui s’appelait Bussanin et que leur fille emmenait au pâturage. Ce jour-là, le ciel était couvert de nuages et il commença rapidement à pleuvoir. Comme la petite fille n’avait pas de parapluie, elle s’abrita sous des arbustes. Bussanin continua à brouter comme si de rien n’était ; les arbustes étaient si bons que la vache dévora tout, même l’enfant. Comme il était tard, le papa et la maman partirent chercher la petite, mais ils ne trouvèrent que Bussanin et la ramenèrent à la maison. 

La maman commença à moudre le blé quand elle entendit sa fille crier : « Maman, maman, je suis dans le ventre de Bussanin ». Le papa et la maman tentèrent de comprendre d’où provenait cette voix : ils regardèrent partout, en vain. La maman recommença donc à moudre le blé, quand elle entendit de nouveau une voix : « Maman, maman, je suis dans le ventre de Bussanin ». Elle comprit finalement où était son enfant. 

Une fois son travail terminé, elle demanda de l’aide au papa et ils libérèrent finalement leur fille, saine et sauve mais transie de froid et ils l’installèrent donc au chaud devant le poêle.

Fioladjo

Alors que pour rentrer chez lui, il passe devant le cimetière, un homme entend des hurlements. Ce sont des voix d’enfants qui disent : « Parrain, parrain, à qui est la pomme ? ». L’homme, complètement terrorisé, ne parvient presque plus à bouger. Il rentre péniblement chez lui et se cache aussitôt sous les couvertures. Il tente vainement de s’endormir car ces voix d’enfants résonnent encore dans sa tête. C’est alors qu’il se souvient que, des années auparavant, il lui avait été demandé d’être le parrain d’un enfant, mais qu’il n’avait pas eu à remplir ce rôle, car l’enfant était mort-né. Mais quand Marie, la future maman, était enceinte, il lui avait offert une pomme pour respecter la tradition. 

Après une nuit sans sommeil, dès l’aube, il se rend chez le prêtre. Il lui raconte les événements de la veille et l’homme d’église consulte le registre des naissances. Il découvre ainsi que Marie attendait des jumeaux, mais que l’homme ne lui avait offert qu’une seule pomme. Le prêtre lui dit alors que s’il entend de nouveau les hurlements des enfants, il doit répondre : « Une moitié chacun ! ». L’homme suit les conseils du prêtre et les enfants trouvent enfin la paix.

Cette histoire raconte que selon la coutume, le parrain et la marraine devaient offrir à la future maman un cadeau pour lui porter chance et que si par malheur l’enfant mourrait avant d’avoir été baptisé, c’était justement ce don qui lui aurait ouvert les portes du paradis. Cette tradition, qui est désormais perdue, reste bien présente à l’esprit des personnes âgées, car autrefois le parrain et la marraine était des figures fondamentales pour le nouveau-né : ils étaient comme un deuxième père et une deuxième mère ; si les parents venaient à mourir, ils devaient les remplacer et devenaient responsables de l’enfant.

La vouivre du lac de Prêz

Dans le vallon de Prêz, près des alpages, se trouve un beau pré qui a, de nos jours encore, la forme d’un lac. La légende veut qu’autrefois une fée, qui ne faisait ni bien ni mal à personne, vivait sur ses rives ; elle habitait dans une caverne et prenait soin de l’eau du lac qui rafraichissait les bois alentour et irriguait les prés, ainsi que les champs qui prospéraient en aval. Les bergers racontaient souvent avoir entendu chanter une belle voix douce, mais sans avoir jamais aperçu personne.

Un jour, deux jeunes bergers installés dans une grotte pour jouer entendirent cette voix fredonner. L’un des deux exclama : « J’entends chanter une femme ! Oui, oui, je la reconnais, c’est la fée du lac ». Un instant plus tard, ils virent apparaître une jeune femme aux yeux superbes et aux longs cheveux qui lui couvraient le corps. Quand la fée se rendit compte de leur présence, elle cacha son visage derrière ses cheveux et s’enfuit vers le lac. Les jeunes bergers tentèrent de la suivre mais la mystérieuse créature avait déjà disparu.

Une fois au bord du lac, ils aperçurent un gros serpent aux écailles luisantes qui avançait vers eux d’un air menaçant depuis l’autre rive. Terrorisés, les deux bergers s’enfuirent. Quelques temps après, un chasseur de Fontainemore qui passait près des alpages à la recherche d’une proie, repéra le serpent étendu sur un rocher et occupé à se mirer dans l’eau. Le prenant pour un dragon, le chasseur visa et tira. Blessée à mort, la vouivre tomba dans le lac, qui se colora de rouge. Un instant plus tard, l’eau se déversa dans le torrent de Pacoulla puis dans le Lys, qui se teinta de rouge, asséchant le lac.

Ce serpent était la vouivre du lac de Prêz, qui a d’ailleurs disparu avec elle.

Poguel dé Grinda

Poguel de Grinda faisait partie d’une famille de colosses : son père était grand et gros, sa mère était grande et grosse, ses frères étaient grands et gros ; mais lui, il les dépassait tous, que ce soit en taille ou en force. Il vivait à Freyan, au-dessus de Dominanaz - où, maintenant que le vieux hameau a disparu, un rascard en porte encore le nom - et il possédait les terrains dénommés aujourd’hui Grantsan : un vaste pré divisé en trois par les fossés qu’il avait creusés de sa main pour partager ses terres entre ses enfants.

En réalité, le nom de baptême de Poguel était André, mais on commença très tôt à l’appeler Grinda à cause de sa carrure exceptionnelle et parce qu’il avait aussi très bon cœur. Sa bonhomie et sa gentillesse lui valurent d’ailleurs également le surnom de Pékelin, « petit agneau ». Poguel de Grinda était toujours disposé à donner un coup de main à qui le lui demandait et il effectuait les travaux les plus pénibles sans jamais montrer aucun signe de fatigue. Il chargeait sur ses épaules, sans le moindre effort, des troncs d’arbre, des balles de foin, des mannes pleines de fruits et… le blé du comte.  Car chaque année, à une date donnée, les paysans devaient payer la dîme des blés aux seigneurs de Challant. Le comte Jacques les attendait dans la cour du château et, quand ils arrivaient avec leurs sacs, il restait là pour regarder grossir le tas de blé déposé à ses pieds.

Ce n’était pas une date heureuse pour les habitants du comté et, quand récolte avait été mauvaise, la part du comte semblait encore plus importante. L’impôt payé, les paysans quittaient rapidement le château, le cœur gros, sans échanger le moindre mot. Cette année-là, Poguel fut le dernier à se présenter. Il portait son sac comme s’il s’était agi d’une brindille et le comte l’observa avec stupeur :

« Ce jeune homme est fort comme un bœuf. »
« Plus fort encore », rectifia Poguel qui avait entendu. Jacques de Challant aimait les défis.
« Si fort que tu pourrais porter ce tas de blé sur ton dos ? » « Peut-être bien. »

La princesse-loup

Source : E. DEL MONTECHIARO, Le cento leggende, dans Augusta Prætoria, 10 juillet 1940, 22e épisode.

Il était une fois, au château de Fénis, une jeune fille si belle que tout le monde l’appelait « Princesse ». Un jour, elle disparut mystérieusement : une sorcière très jalouse l’avait transformée en loup.  La bête féroce parcourut longuement bois et champs, à la recherche désespérée d’un abri. C’est sur la route qui relie Septumian à Thuy qu’elle trouva enfin une petite maison abandonnée. Elle s’y terra jusqu’à la nuit, lorsque la faim devint si pressante qu’elle la poussa à sortir pour aller chercher de quoi se nourrir.

Guidée par son nouvel instinct animal, elle attaqua et dévora une première proie près de son repaire. Bien vite, ayant pris de l’assurance, elle s’en éloigna. Les villages des alentours vivaient désormais dans la terreur. Une grande battue fut organisée. Les chiens retrouvèrent les traces de la bête et lui donnèrent la chasse. La princesse-loup s’enfuit désespérément pour regagner son gîte, mais elle n’y parvint pas. Blessée à mort, elle s’écroula sur le sol en gémissant de douleur. Les chiens s’arrêtèrent en glapissant, alors qu’une nouvelle métamorphose rendait sa vraie nature à la malheureuse : au lieu de la bête féroce qu’ils pensaient avoir abattue, les chasseurs découvrirent leur belle châtelaine, qui baignait dans une mare de sang.

Atterrés par son triste sort, ils en confièrent le souvenir à la maisonnette où elle avait trouvé refuge, qui est connue depuis sous le nom de « Maison de la Princesse ».

Le saint de Prarayer

C’est dans le haut Valpelline que s’étend le beau vallon de Prarayer, aujourd’hui presque entièrement submergé par les eaux du lac de Place-Moulin. Il y a longtemps, un homme y vivait seul, passant son temps à prier et à faire acte de pénitence. Aujourd’hui encore, on peut voir les traces de ses genoux sur un rocher. À cette époque, il n’y avait pas de prêtre à Bionaz et, pour les fonctions religieuses, tout le monde devait descendre à Valpelline. Cet homme dut aller, lui aussi, jusqu’à l’église de Valpelline pour célébrer Pâques. 

Une fois arrivé, il s’unit aux autres fidèles qui attendaient pour se confesser. Quand son tour arriva finalement, il entra dans la sacristie. En le reconnaissant, le prêtre lui fit remarquer qu’il ne le voyait presque jamais à la messe du dimanche et qu,e s’il habitait loin et si la route était longue ou pénible, il aurait quand même pu participer aux messes et aux rites, au moins durant la belle saison. L’homme écouta le prêtre en silence puis, juste avant de s’agenouiller pour se confesser, il ôta son manteau et le posa… sur un rayon de soleil qui passait par la fenêtre de la sacristie, à cet instant. Stupéfait et terrifié, le prêtre lui dit : «  Va, ce n’est pas toi qui dois te confesser à moi, mais moi à toi ».

Ainsi se termine l’histoire du saint de Prarayer.

La légende de Châtillon

Le ruisseau avait un gardien et c’est cet homme qui devait en suivre le parcours chaque jour pour contrôler s’il y avait des fuites. Quelques temps auparavant, ce gardien avait remarqué la présence d’un très gros serpent, d’une espèce inconnue et qui nageait béatement dans l’eau, dans la partie la plus élevée et la plus raide du ruisseau. L’homme avait tenté de tuer le reptile à plusieurs reprises, car il craignait que l’animal ne disparût d’un seul coup. Un beau jour, il parvint à le tuer en lui jetant une pierre de loin. 

Le pauvre homme ! Quelle mauvaise idée ! Une crevasse s’ouvrit à ses pieds et se transforma en un énorme abîme. Le gardien tenta aussitôt de remplir la faille avec des pierres et avec ses vêtements, en vain. Toute l’eau du ruisseau se déversa, forma un gouffre très profond et charria des montagnes de débris. Pétrifié de douleur, le gardien se jeta dedans et disparut avec son ruisseau tant aimé.  Depuis, selon la légende, l’eau n’est plus jamais arrivée jusqu’aux prés verdoyants, qui ont été rapidement envahis par les buissons, puis abandonnés.

Pour nous, qui avons déjà un certain âge, quand on parle du ru du Pan-Perdu (pain perdu), on veut sans aucun doute évoquer un travail qu’un être humain normal ne peut réaliser seul, et c’est de là qu’est née cette légende.

Le serpent à la bouche de feu

Autrefois, la communauté de Cogne était divisée en trois hameaux : Tchezeu, Erfoullet et Crét. Pour assister à la messe de minuit à Crét, les habitants d’Erfoullet devaient se mettre en chemin dès l’après-midi, mais ce jour-là, une jeune fille partit en retard. Quand elle arriva au bois de Servanére, elle aperçut un gros serpent enroulé autour d’un arbre. Le reptile l’interpella : « Viens ici ma petite, n’aie pas peur de moi ! » La jeune fille apeurée s’avança. Le serpent lui dit : « Je suis une âme en peine, pourrais-tu me rendre un énorme service ? Quand le prêtre partagera le pain béni, prends-en un petit morceau pour toi mais cache aussi un petit bout de pain dans la poche de ton tablier, pour moi. Et quand la messe sera terminée, attends que les autres rentrent et viens toute seule, je serai là, à t’attendre. » La jeune fille fit ce que le serpent lui avait ordonné et, au retour, elle s’arrêta près de lui. « Prends le pain béni et donne-moi un petit morceau, n’aie pas peur. », lui dit le serpent ; la jeune fille lui mit alors un morceau de pain dans la bouche, en tremblant.

Le serpent la remercia et disparut dans une belle flamme qui monta jusqu’au ciel et se transforma en étoile brillante, une étoile de plus dans le ciel de la sainte nuit. La jeune fille poursuivit son chemin pour rentrer chez elle, heureuse d’avoir accompli une bonne action.

Le vallon du taureau

Le vallon du taureau est situé près de Nus.  Une nuit, un homme nommé Tordatséno montait vers le vallon, quand il aperçut un taureau attaché à un chêne. Il le détacha et l’emmena jusque chez lui, à Marsan. Le matin suivant, il partit contrôler ses bêtes à l’étable, mais le taureau avait disparu. L’homme remonta alors la vallée et vit que le taureau était de nouveau attaché au chêne. C’est ainsi que Tordatséno dit à tout le monde que ce vallon s’appelait « Le vallon du taureau ».

La sorcière du mont du temple

Autrefois, l’une des forêts de Bochei était habitée par une sorcière. Comme un vieil homme du village la connaissait, tous les jeunes pensaient qu’elle devait être bien vieille, elle aussi. Un jour, un homme du village parti chasser rencontra une très jolie jeune femme, dont il tomba immédiatement amoureux. La jeune fille, qui était en réalité la sorcière, lui donna une écharpe d’or pour son épouse. L’homme ignorait que cette étole avait le pouvoir de voler la jeunesse de ceux qui la touchaient et que, grâce à ce stratagème, la sorcière restait jeune.

De retour chez lui, le jeune homme accrocha l’écharpe à un grand poirier pour voir comme elle était belle. Le temps de reculer de deux pas et le poirier était déjà complètement sec ! L’homme comprit que la belle femme était la sorcière et la même nuit, accompagné de ses amis, il mina la forêt qui se transforma à l’instant en pierrier. Ceux qui s’y rendent la nuit peuvent encore entendre hurler la sorcière.

L'histoire de Pro-Borna

Une nuit, un homme se rendit à Pro-Borna. Il marchait depuis un bon moment déjà dans cette direction, quand il aperçut le fantôme de sa marraine qui lui dit : « Je peux t’accompagner, mais juste un bout de chemin ». Après avoir parcouru un bref trajet ensemble, ils se séparèrent donc : « Je ne peux pas aller plus loin », affirma la marraine, « Continue seul ». Après avoir marché encore, l’homme rencontra son père, mort depuis longtemps, qui lui dit aussi : « Je peux t’accompagner un bout de chemin, mais je ne peux pas aller jusqu’à ta destination ». Quand l’homme arriva à l’alpage de Pro-Borna, il y vit un enfant qui pleurait. Il le prit avec lui et, peu après, il entendit les bruits de la « synagogue » sur le toit de l’alpage mais, quand il sortit pour voir ce qui se passait, il n’entendit plus rien. 

Quand il descendit au village avec l’enfant dans ses bras, tout le monde le regarda. Le lendemain, on le trouva mort et l’on comprit que l’enfant était en réalité le petit Jésus.

Le diable et saint Martin

Autrefois, c’était le diable qui commandait à Pontey ; puis, un beau jour, saint Martin passa par là avec l’intention de construire une église. Bien évidemment, le diable n’était pas du tout d’accord et une lutte féroce s’engagea entre les deux. Le diable en fut le perdant et dut quitter le village. Saint Martin lui donna un dé à coudre et une aiguille et lui ordonna d’aller creuser le sommet de la Cime noire, pour que le soleil puisse chauffer Pontey de ses rayons, même en hiver. Le démon commença alors à creuser et un pierrier se forma peu à peu au pied de la montagne : c’est le « pierrier du diable ». 

Un jour, en creusant, le diable trouva de l’or et de l’argent, qu’il garda jalousement pour lui. Ce trésor n’apparaît qu’une fois par an, la nuit de Noël, à minuit. Si quelqu’un veut s’en emparer, il faut qu’il se rende seul au milieu du pierrier pendant la sainte nuit. À ce jour, le travail du diable n’est toujours pas achevé : il creuse, creuse, creuse encore et les pierres tombent, mais le soleil n’apparaît pas.

Trois saints

Près du village de Torgnon, se trouve un col où autrefois s’était installé un saint : saint Pantaléon. Un peu plus loin, un deuxième saint, Évance, vivait sur une crête. Et dans la vallée de la Doire, sur une butte située près du château de Fénis, s’en trouvait un troisième : saint Julien.  Les trois saints menaient une vie d’ermite : ils consacraient leur temps à la méditation et à la prière. Très pauvres, ils vivaient d’aumône et de charité. Figurez-vous qu’à eux trois, ils ne possédaient qu’une seule louche - potze en dialecte valdôtain - pour servir la soupe.  C’était cependant une louche magique et, à l’heure des repas, elle était d’une efficacité extraordinaire. Quand saint Pantaléon l’avait utilisée, la louche volait en un éclair chez saint Évance, comme si elle avait des ailes. Et dès que celui-ci avait fini de l’employer, la potze prenait les airs pour aller chez saint Julien, puis quand ce dernier s’était servi, elle revenait chez saint Pantaléon. Les trois saints ermites se débrouillaient donc très bien avec une louche pour trois et cette potze magique semblait porter sur ses ailes un message d’humilité, de simplicité et de fraternité à chacun de ses voyages dans les airs.

Le scieur

Ayas, 1968. Recherche scolaire de l’École Moyenne de Châtillon en 1968, sous la direction de Alexis Bétemps, 1968. Thème : la peur

Un scieur de long remontait la vallée de l’Évançon lesté de ses outils. Il avait avec soi l’argent de sept mois de travail. Un bandit, armé d’un coutelas jaillit de l’ombre. Le scieur se défendit avec sa hache et tua le malfaiteur. Il a été troublé par la violence qui l’a poussé à tuer un de ses semblables. Un jour, en rentrant chez lui, il a trouvé deux gendarmes, venus pour lui payer la somme de la mise à prix promise à qui aurait libéré la Vallée du bandit qui terrorisait les voyageurs. Le scieur donna cet argent à l’église pour construire le maître-autel qui est d’une magnificence extraordinaire.

L’ours de Barrère

Ayas Lignod, 1968. Recherche scolaire de l’École Moyenne de Châtillon en 1968, sous la direction de Alexis Bétemps. Thème : l'homme fort

C’est ma grand-mère qui m’a raconté cette légende un peu curieuse de Lignod, dans le val d’Ayas. Comme d’habitude, un groupe de jeunes gens s’étaient réunis pour réciter le chapelet et, ensuite, pour faire une veillée dans une étable. Au beau milieu de la veillée, un homme est sorti faire pipi. C’était une nuit très froide : on entendait les loups ululer et les ours se promenaient dans les ruelles du village. Un ours a vu l’homme et lui a bondi dessus. C’était un homme très fort et, surtout, courageux. Il a pris l’ours par les pattes et la trainé à l’intérieur de l’étable. Quelqu’un a trouvé un trident et il a transpercé l’animal. Une patte de la bête a été pendue dehors, à un tronc du raccard et on pouvait encore la voir il n’y a pas longtemps.

L’oratoire de La Cluse

Gignod La Clusaz, 1896. L'Almanach du Ramoneur. Thème du diable

Se soûler plus que de raison, manger de la viande tous les jours, manquer les offices, courir la nuit, telle est la vie d'un mécréant. Un campagnard d'Etroubles s'y était adonné, ce qui lui valut une rencontre singulière. On connaît ce ravissant chemin qui va de Gignod à Etroubles, tracé au bas d'une forêt da sapins, suspendu sur l'abîme. L'endroit où la vallée est le plus étroite a pris le nom de la Cluse. On y peut voir encore un oratoire, aujourd'hui délabré. Or, un soir que notre chenapan promenait son ivresse, il rencontra un marmot qui pleurait. On a beau aimer le vin, on n'en a pas moins du cœur. Notre ivrogne s'approcha, et, voyant que l'enfant était abandonné, il voulut le prendre entre ses bras. Dans cette louable intention il s'abaissa, passa une main sous le berceau, et voulut se relever. Peine inutile ! Il eut beau tendre ses jarrets, raidir son échine, crisper ses mains, rien n'y fit ! Et pourtant en a-t-il soulevé des sacs de blé, de pommes de terre ! Il passa pour un solide gaillard. Encore un effort ! Il s'entêta, et plus il s'obstina, plus il sentit que le fardeau se faisait lourd. A la fin, n'en pouvant plus, il s'écria : « Mais tu es donc le diable en personne ! » Un éclat de rire lui répondit. Epouvanté, il courut raconter son histoire. En souvenir de cet événement, et pour remercier le Ciel d'avoir échappé à un tel danger, notre homme voulut bâtir un oratoire à l'endroit précis où il avait trouvé le terrible marmot. Misère de nous ! La légende ajoute que, malgré cet avertissement, l'incorrigible soulard finit ses jours dans l'impénitence.