L’euye é lo « troglo »
Seutta y é la counta dé eunna drola sfidda entre l’euye é lo troglo. « Véyèn couì i so allà peu su ou siel ? », i dit lo troglo. To d’éin queu l’euye i fèi po cas a selle parole, ma pé frounì, totsoye su l’orgueui, i aséte la sfidda. « Pouro troglo – i pense l’euye – comèn t’o la fèi dé gagné ? T’é l’izé peu pitieu é délicat qué lo Bon Dieu y a mandó su la téra é mé dze sèi la réna dou siel ».
Éin pensèn a sen, l’euye y ivre ché grese-z-ole é i ché campe dedeun lo vouiddo. Eunna queurta béchà é poué… su ot ! Sopendià pé l’er tsot qué la dénoun-a i ché sopèn su pé lé montagne. Man man qu’i mountivve, lé brenve é lé pesse i lésivvon la piase i bouésón, i quiapèi é, pé frounì, i nèi biantse di diassé. Lé méquio ou fon dé la val, i sounve poumé qué dé piquieude tatse grize perdiè pé lo ver di pro é l’ardzèn dou torón.
Ma l’euye i n’ave pounco prou, i voulivve ieu fare vére ou troglo. Paré, éin fezèn dé greu serquio, i tsertsivve d’outre ven é i montivve co dé pieu.
Dé ven toujor peu fret é rer, diffisille a métrizé, dé couràn a rétugnì avoué lé-z-ole gran iverte pé po nen pédre gnenca na mia.
Erra dé su lé on vèyivve po qué lo bleu du siel, é lo solèi y éve po qué eunna lemiére biantse sensa chaleur. Y éve arrevoye a la limitte, y éve jamé aloye peu su, gnenca can, dzeveunna, piéna dé forse é dé queriozetó, y ave sfidó lo Bon Dieu. Ma si queu chon orgueui ieu démandivve dé pieu, paré, avoué co éin éfor, l’euye i ché campe su eun’outra couràn, réra é dzaloye comèn lo ven dé l’iver é i réussé a montà co peu su.
Tot outor y éve pomé qué to quèi ; l’euye i sentivve chon queur qu’i bativve pé l’éfor é l’er y éve tellamente fèin qu’i scapivve pé lé piénme di-z-ole, totte tendiè pé rétugnì co dé pieu. Y éve jamé alloye cheu ot. « Va saver sé lo troglo i mé vèi éincó dé dju lé ? », i sondzivve l’euye totta fiére. Ma djeusto adón, éin ché verèn, ieu sembie-té po dé sentì éin tchépì ?
Y éve lo troglo : i ch’éve catsó dézò chon ola é y éve restó lé to lo ten. Lo troglo y éve cheu piquieu qué l’euye i ch’éve gnenca aperchà dé sé cor sensa pés é i l’avé portó tanque lé.
Erra, dévàn cha meunna étonoye, lo troglo i ché cramponivve su greuppa. Can y é itó dussù l’étseunna, ou métèn di dovve grese-z-ole, lo troglo y aite outor dé iù, i fèi éin soutto é : « N’èi gagnó la sfida – i di a l’euye – erra pé piézì, porta-me dju, seu i fèi fret ».
Introd - récit oral recueilli et adapté par Daniel Fusinaz
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L’aigle et le troglo
Voici l’histoire de l’étrange pari entre l’aigle et le troglo (*) : «Voyons-nous qui sait monter plus haut dans le ciel ? » lance le troglo. Sur le coup l’aigle ne prête même pas attention à ces mots mais pour finir, touché dans son orgueil, il accepte le défi. « Pauvre troglo – pense l’aigle – comment crois-tu l’emporter ? Tu es l’oiseau le plus petit et le plus frêle que le bon Dieu ait envoyé sur terre et moi je suis le seigneur des airs».
En songeant à cela, l’aigle déploie ses grandes ailes et se jette dans le vide. Une courte descente, et puis… en haut ! Soutenu et porté par l’air chaud qui l’après-midi remonte les pentes. Au fur et à mesure qu’il montait, les parois recouvertes de mélèzes et de sapins cédaient la place au gazon, aux rochers instables et, pour finir, aux neiges blanches des glaciers. Les maisons, au fond de la vallée, n’étaient plus que des petites taches grises, perdues dans le vert des prairies et l’argent du torrent.
Mais l’aigle n’en avait pas assez, il voulait bien lui faire voir au troglo… Et comme-ça, en traçant des grands cercles, il cherchait d’autres courants et montait encore. Des courants de plus en plus froids et raréfiés, difficiles a maîtriser ; des courants à retenir avec les ailes tendues pour ne pas en perdre un brin.
Maintenant, de là-haut, on ne voyait que l’azur du ciel, et le soleil n’était qu’une lueur blanche sans chaleur. Il était arrivé à la limite qu’il n’avait jamais dépassée, même pas quand, tout jeune, plein de force et de curiosité, avait défié le bon Dieu. Mais cette fois-ci son orgueil en demandait plus et ainsi, avec un ultime effort, l’aigle se jetta sur un autre courant, raréfié et glacial comme le vent de l’hiver… et il monta encore.
Tout autour ce n’était à présent que silence ; l’aigle entendait son cœur battre par l’effort et l’air était si éthéré qui s’échappait entre les plumes des ailes, tendues au maximum pour le retenir un peu plus : jamais il était monté si haut. « Qui sait si le troglo me voit encore de là-bas – songeait l’aigle, comblé de fierté – mais en ce moment, se retournant, ne lui semble-t-il pas d’entendre un tchépi ?
C’était le troglo : il s’était caché sous son aile et il y était resté tout ce temps. Le troglo était si petit que l’aigle ne s’était même pas aperçu de ce corps sans poids, et l’avait transporté jusque là. Maintenant, sous son regard incrédule, le troglo lui grimpait sur la croupe. Une fois atteint le dos, entre les deux grandes ailes de l’aigle, le troglo jette un regard autour de lui, fait un petit bond et : « J’ai gagné le pari – dit-il à l’aigle – maintenant, s’il te plaît, ramène-moi en bas, ici il fait si froid ».
Depuis ce jour-là, l’aigle a oublié son orgueil et le troglo, appelé aussi « oiseau des froidures », essaye de guérir son cœur glacé en partageant le nid avec ses semblables, pendant les longs mois d’hiver.
Introd - récit oral recueilli et adapté par Daniel Fusinaz
(*) Troglodyte mignon. Avec ses quelques 10g de poids, le troglo est le plus petit oiseau d’Europe après le roitelet. De caractère solitaire et indépendant, chaque mâle revendique son territoire. Curieusement, par les grands froids, cet instinct de solitude s'efface. Á ce moment, il cherche la compagnie de ses semblables pour passer la nuit ensemble dans un abri et se réchauffer ainsi les uns contre les autres.
L’aigle et le troglo
Voici l’histoire de l’étrange pari entre l’aigle et le troglo (*) : «Voyons-nous qui sait monter plus haut dans le ciel ? » lance le troglo. Sur le coup l’aigle ne prête même pas attention à ces mots mais pour finir, touché dans son orgueil, il accepte le défi. « Pauvre troglo – pense l’aigle – comment crois-tu l’emporter ? Tu es l’oiseau le plus petit et le plus frêle que le bon Dieu ait envoyé sur terre et moi je suis le seigneur des airs».
En songeant à cela, l’aigle déploie ses grandes ailes et se jette dans le vide. Une courte descente, et puis… en haut ! Soutenu et porté par l’air chaud qui l’après-midi remonte les pentes. Au fur et à mesure qu’il montait, les parois recouvertes de mélèzes et de sapins cédaient la place au gazon, aux rochers instables et, pour finir, aux neiges blanches des glaciers. Les maisons, au fond de la vallée, n’étaient plus que des petites taches grises, perdues dans le vert des prairies et l’argent du torrent.
Mais l’aigle n’en avait pas assez, il voulait bien lui faire voir au troglo… Et comme-ça, en traçant des grands cercles, il cherchait d’autres courants et montait encore. Des courants de plus en plus froids et raréfiés, difficiles a maîtriser ; des courants à retenir avec les ailes tendues pour ne pas en perdre un brin.
Maintenant, de là-haut, on ne voyait que l’azur du ciel, et le soleil n’était qu’une lueur blanche sans chaleur. Il était arrivé à la limite qu’il n’avait jamais dépassée, même pas quand, tout jeune, plein de force et de curiosité, avait défié le bon Dieu. Mais cette fois-ci son orgueil en demandait plus et ainsi, avec un ultime effort, l’aigle se jetta sur un autre courant, raréfié et glacial comme le vent de l’hiver… et il monta encore.
Tout autour ce n’était à présent que silence ; l’aigle entendait son cœur battre par l’effort et l’air était si éthéré qui s’échappait entre les plumes des ailes, tendues au maximum pour le retenir un peu plus : jamais il était monté si haut. « Qui sait si le troglo me voit encore de là-bas – songeait l’aigle, comblé de fierté – mais en ce moment, se retournant, ne lui semble-t-il pas d’entendre un tchépi ?
C’était le troglo : il s’était caché sous son aile et il y était resté tout ce temps. Le troglo était si petit que l’aigle ne s’était même pas aperçu de ce corps sans poids, et l’avait transporté jusque là. Maintenant, sous son regard incrédule, le troglo lui grimpait sur la croupe. Une fois atteint le dos, entre les deux grandes ailes de l’aigle, le troglo jette un regard autour de lui, fait un petit bond et : « J’ai gagné le pari – dit-il à l’aigle – maintenant, s’il te plaît, ramène-moi en bas, ici il fait si froid ».
Depuis ce jour-là, l’aigle a oublié son orgueil et le troglo, appelé aussi « oiseau des froidures », essaye de guérir son cœur glacé en partageant le nid avec ses semblables, pendant les longs mois d’hiver.
Introd - récit oral recueilli et adapté par Daniel Fusinaz
(*) Troglodyte mignon. Avec ses quelques 10g de poids, le troglo est le plus petit oiseau d’Europe après le roitelet. De caractère solitaire et indépendant, chaque mâle revendique son territoire. Curieusement, par les grands froids, cet instinct de solitude s'efface. Á ce moment, il cherche la compagnie de ses semblables pour passer la nuit ensemble dans un abri et se réchauffer ainsi les uns contre les autres.