Lorsqu'on évoque le mois de février, l'on pense immédiatement au carnaval mais, comme le savent bien tous les amoureux, la date du 14 est celle de la Saint-Valentin, patron de ceux qui s'aiment.
Les origines de cette tradition remontent au Ve siècle, quand le Pape Gélase Ier instaura une fête dédiée à ce saint pour remplacer les célébrations païennes de la fertilité. Valentin, qui semble être en réalité un personnage né de la fusion de trois saints différents du début du Christianisme, fut choisi comme protecteur des amours difficiles.
En Vallée d'Aoste, de nombreuses chapelles - souvent très anciennes - ont été édifiées en l'honneur de ce saint : c'est le cas, par exemple, de celles de Brusson, Issime et Saint-Vincent. Mais pour ce qui est de l'amour, quelle est sa place dans la culture valdôtaine ? Il est évident que les dures conditions de vie du passé laissaient peu de place au romantisme et aux mièvreries, mais cela n'empêchait pas les Amours, nées peut-être timidement et sans grandes déclarations, mais profondes et solides.
Les liens amoureux se manifestaient de façon sobre : lorsque deux jeunes comprenaient qu'ils se plaisaient, ils commençaient par se parler, sé prèdjé/ se prédjì/ se prèdzé, selon le type de patois. Cette expression n'est pas courante uniquement en francoprovençal, on la retrouve en effet sous une forme archaïque en italien et en français, ainsi que dans divers dialectes de la zone romane.
L'un des termes les plus diffus en Vallée d'Aoste pour indiquer un fiancé est également lié à cette idée de conversation familière : choze, mot qui semble dériver du verbe latin causari, parler.[1]
En revanche, dans la basse vallée, le type lexical le plus diffus est sotcho (sotcha au féminin), qui vient aussi d'un verbe latin : sociare, rendre commun, dont est issu le terme médiéval français socié, compagnon.[2]
Une autre façon de désigner un fiancé en patois est galàn, qui dérive du terme germanique wala, lequel indiquait à l'origine le fait de perdre son temps de façon plaisante. Cette dénomination se retrouve dans le français ancien galand, celui qui courtise une femme.[3] Ce qui prouve bien que les racines du francoprovençal sont très anciennes.
Il convient d'ajouter à ces termes, trois autres mots très particuliers. Les deux premiers, tchôbio et pontù, viennent de l'argot des sabotiers d'Ayas, alors que le troisième, rihllo, appartient au vocabulaire desramoneurs de Rhêmes-Saint-Georges. Deux langues qui ont presque disparu de nos jours, tout comme les métiers qu'elles évoquaient.
Qu'il se soit agi d'un sotcho ou d'un galàn, si l'affaire se concluait favorablement, l'amour partagé était dignement couronné par un mariage.
La tradition fait également état de coutumes tombées en désuétude, comme par exemple celle du dimanche paléza que nous rappelle l'abbé Bonin : à Brusson, l'on annonçait ses noces, en dehors de la famille, le dimanche suivant la célébration du mariage.[4]
Citons encore la tseallii/tsevalleri [5], la clameur des jeunes du village qui désapprouvaient les secondes noces d'un veuf ou d'une veuve ou encore le mariage avec un « étranger », car ces événements qui menaçaient l'équilibre de la communauté étaient perçus avec anxiété.
Enfin, voilà un aperçu des proverbes valdôtains sur l'amour, qui sont toujours - ou presque - de véritables perles de sagesse.
Venta marior-se per ìsser méhpréizoa é mourir per ì sser laoudoa
Il faut se marier pour être méprisé et mourir pour être loué
L'amour, la tous é la fan sé cotchoun po
L'amour, la toux et la faim ne se cachent pas
Pi vitto mal marià que bén denà
Plus vite mal marié que bien dîné
L'y è pa de feuille sensa amour, ni de desandro sensa solèi
Pas de jeunes filles sans amour, ni de samedi sans soleil
Lou mariodjou l'è una lettra cachétó
Le mariage est une lettre cachetée
Dzenta feuille porte su lo fron sa dota
Jolie fille porte sa dot sur son front
[1] VON WARTBURG, W. (1922 ss.). Französisches Etymologisches Wörterbuch (FEW). Bâle : Zbinden. Vol. II, 543b et ss.
[2] Id. Vol. XII, 18b et ss.
[3] Id. Vol. XVII, 473° et ss.
[4] BONIN, L (1928). « Vallée de Challand. Brusson - Guide et folklore ». Mondovì : typographie commerciale. P. 138-139
[5] BÉTEMPS, A. (2001). « Le charivari en Vallée d'Aoste ». In « Le monde alpin et rhodanien ». IVe trimestre 2001