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Le mot du mois : la famille (troisième partie)

28 novembre 2019

Les nouvelles générations. Nous parlerons ici des jeunes, et plus précisément des enfants, puisque nous avons déjà parlé des adolescents en proie aux pulsions de la jeunesse dans le « Mot du mois » d'août 2016. Précisons cependant que les adolescents ne sont pas les seuls à être confrontés aux troubles caractéristiques de leur âge : il arrive parfois que des personnes adultes redeviennent en quelque sorte des adolescents.

Mèinà, mèinoù, minà, minoù... Voilà les termes patois les plus utilisés pour traduire le français « enfants », y compris dans le sens de progéniture. Ces termes viennent du latin mansio (sous la forme mansionata) qui signifie « maison », « ensemble des membres de la famille » (pensons à « maisonnée ») et « enfants ». Les mots majón, mèizón, soit « maison » ou « cuisine », ont la même origine, tout comme l'italien magione ou le français « maison ».

Un nouveau-né, ou dans une expression populaire un enfant au berceau, est un popón, un pupo en it alien (du latin pupus, « enfant ») : un « bébé ». Il se pourrait aussi que ce terme vienne de *puppa, c'est-à-dire « enfant », mais aussi « sein, mamelle » et « poupée ».

On trouve aussi souvent le type lexical petot, petoda, du latin *pettittus, « petit », alors que selon le FEW, petchoù et petchouda, dérivent de pitš-, « petit », tout comme croi, crova, du celte *crodios, qui a la même signification.

D'autres parlers s'inspirent en revanche de mots français, comme gosse et anfàn. Les enfants plus grands sont appelés canaille, littéralement « canailles », du latin canis, « chien », comme c'est le cas notamment à Champorcher. Il ne s'agit pas là d'une insulte mais d'une façon de dire très diffuse dans la zone gallo-romane pour désigner un enfant de façon affectueuse. En basse vallée, mais dans quelques parlers seulement, les enfants sont appelés boffe ou encore barbich et bardats. Barbich vient vraisemblablement du latin barba, « barbe » et du piémontais barbis, mais aussi de certains patois dans lesquels il signifie « moustaches », « barbiche » en français (touffe de poils sur le visage) et « barbichon » en savoyard, qui désigne un jeune dont la barbe commence à pousser.

On peut imaginer qu'un barbich est un enfant imberbe, un jeune qui commence à avoir de la barbe. Pour bardats, il faut remonter au terme arabe bardag, « jeune esclave ou prisonnier », qui est à l'origine de bardasso, bardassa en italien régional et en piémontais, avec la même signification qu'en patois, alors qu'en italien standard ce terme a une connotation négative.

Botcha, souvent utilisé de nos jours en Vallée d'Aoste pour désigner un enfant, semble emprunté au piémontais, car dans ce sens il n'a rien à voir avec le jeu de boules du même nom. Selon le REP, botcha dérive d'une base prélatine , bokky-, « objet de forme arrondie », véhiculée par le latin vulgaire *bocciam, « rondeur ». Selon une autre interprétation, botcha signifie aussi « tête » puis « enfant » car autrefois, quand les poux proliféraient, on rasait la tête des jeunes appelés et des enfants, tête qui était alors assimilée à une boule. Même les jeunes recrues des Alpins étaient appelées bocia (bocia et veci, « jeunes » et « vieux »).

Tchit est le nom donné aux jeunes bergers des alpages : ce terme peut, lui aussi, être associé au piémontais cit qui signifie « petit », « enfant » : selon le REP, il vient de la base *citt-, « petit ». Dans le jargon des ramoneurs de Rhêmes, on utilise le terme marmeun pour « petit garçon » et marmin-a pour petite fille », termes qui semblent apparentés au français marmot, « petit enfant », et au patois maraya ou marmaya, qui signifient - selon le dictionnaire de Chenal et Vautherin - « horde d'enfants bruyants », de la base marm- probablement inspirée de l'onomatopée qui évoque un murmure. Dans le jargon des scieurs de planches et des sabotiers d'Ayas, les enfants sont les clèino, de l'allemand klein, « petit ». Du point de vue de la descendance, les enfants sont les rèféi, rimèinà, arimèinà, remèinà ou rigarsón et les petits-enfants, les réenevaou ou la réenevaouza. Le dernier né d'une famille est le gnaille (le dernier œuf éclos d'une couvée), du latin *nidalis qui désigne l'œuf que l'on laisse traditionnellement dans le nid pour les poules. D'autres parlers emploient des termes comme tchouèiné, queinì, tchouàn et, à Cogne, on préfère tchachacouquén.

Bibliographie et sitographie

- « Atlas des Patois Valdôtains », en cours de rédaction par le Bureau Régional Ethnologie et Linguistique de la Région autonome Vallée d'Aoste.

- Chenal A., Vautherin R., « Nouveau Dictionnaire de Patois Valdôtain », Quart, Musumeci, 1997.

- FEW = Von Wartburg W., Französisches Etymologisches Wörterbuch, Leipzig-Berlin, 1922 ss., puis Bâle, 1944 ss.

- Martin G., « Les ramoneurs de la Vallée de Rhêmes », Quart, Musumeci, 1981.

- REP = Repertorio etimologico piemontese, Turin, Centro Studi Piemontesi, 2015.

- www.patoisvda.org