Mars 2019
Le pissenlit, du latin taraxacum, est une plante très diffuse en Vallée d'Aoste et surtout connue pour ses usages alimentaires : en effet, elle est généralement consommée au printemps, en salade - souvent accompagnée d'œufs durs - et, pour les palais les plus raffinés, assaisonnée d'huile de noix.
Les expressions dialectales qui servent à la désigner sont nombreuses et variées, tout comme le sont les régionalismes désormais entrés à plein titre dans le lexique des langues officielles et de la culture. Pensons par exemple aux termes français « pissenlit », qui évoque les propriétés diurétiques de cette plante, ou « dent-de-lion », qui fait référence à ses feuilles dentelées, ou encore aux termes italiens correspondants, piscialletto ou piscialetto et dente di leone.
Les parlers francoprovençaux valdôtains, eux aussi, proposent une grande variété de solutions pour désigner le pissenlit, des expressions les plus générales aux plus locales : celles-ci illustrent à petite échelle une réalité linguistique qui dépasse largement les frontières régionales et nationales.
Voici l'inventaire et l'analyse des principaux types lexicaux du patois de la Vallée d'Aoste :
Sicoria, secorie (le pluriel est très fréquent), du latin cichoreum (emprunté au grec kikkorion, « pissenlit ») : ici le pissenlit est assimilé aux autres plantes composacées, dont il partage certaines caractéristiques, comme l'utilisation de ses feuilles pour préparer des salades ou son goût amer. Le terme sicoria est souvent assorti de l'indication di pra ou di pró, « des prés », probablement pour distinguer la variété sauvage de celle qui est cultivée.
Salada di pra, saloda di pró (selon les zones), « salade des prés », du latin salatu (sal + suffixe –atu), « nourriture salée » : il s'agit là d'une appellation très générique, utilisée généralement en alternative à des termes plus spécifiques et destinée à souligner l'usage alimentaire de la plante.
Den dè tchun, « dent de chien », expression dont les occurrences sont très limitées et qui évoque la forme dentelée des feuilles, tout comme le terme « dent-de-lion ».
En revanche, plusieurs autres dénominations font référence au lait, comme pour les autres plantes composacées herbacées. C'est le cas par exemple de « laitue », du latin lactuca, littéralement « herbe laiteuse », en référence au liquide lacté contenu dans la tige, mais également de :
Léquià : dont l'étymologie la plus probable est lactucata, du latin lactuca (de lac, « lait »), de même que pour la variante liquèi. Dans d'autres parlers, liquià signifie « petit-lait », du latin lactata.
Louttîe : cette forme lexicale, très localisée, vient certainement du latin lactucaria (lactuca + suffixe).
Lèitreun : le latin lactarionem (lactem + double suffixe, -ariu et -one) est vraisemblablement la racine de cette dénomination et du terme laiteron, plante herbacée composacée dont les feuilles contiennent une sorte de latex blanc.
Le francoprovençal valdôtain, avec les nombreux dialectes qui le composent, révèle toute sa créativité en attribuant au pissenlit un nom qui met en évidence les caractéristiques de cette plante et en utilisant un vocabulaire très varié, notamment :
En associant le pissenlit aux autres plantes herbacées composacées de la même famille ;
En évoquant son usage alimentaire ;
En mettant en évidence ses caractéristiques morphologiques ;
En soulignant certaines de ses propriétés, comme la sécrétion d'un liquide laiteux.
Texte rédigé par Saverio Favre