Ronc, ou terrain défriché
En parcourant la Vallée d’Aoste, il arrive souvent de trouver des endroits portant le nom de Ronc ou Ron, sous différentes formes avec un suffixe, attestées même dans des documents anciens ainsi que dans la tradition orale, telles que Ronchailles, Ronchailly, Ronchalliaz, Ronchet, Rontset, Rontchats, etc. Ronc, Ronco, Ronchet, Ronchail apparaissent quant à eux aussi comme noms de familles locales. D’après certains savants, le toponyme Ronco, ainsi que d’autres dénominations du même genre, particulièrement répandues dans le Nord de l’Italie, indiquent généralement des implantations rurales et, en ce qui concerne leur origine, elle remonterait au latin runcus « terrain inculte », de runcare « purgare acrum a sentibus », c’est-à-dire nettoyer le champs des ronces. Quelques exemples : Ronco Canavese (TO), Ronco Biellese (BI), Roncofreddo (FO), Roncola (BG), Roncone (TN), Roncà (VR), Roncade (TV), Roncadelle (BS).
Le nom ron est donc un déverbal de ronqué, avec les variantes roncà, rontché, rontsé, roncaché, qui signifie « défricher », continuation du latin runcare ayant la même signification. Il existe aussi d’autres formes avec un préfixe telles que arrontsé, arrontsì, arrountchér, arrontchà, darantsì, verbes qui sont généralement des synonymes de « arracher ». On trouve aussi le déverbal rontso, dans la locution fée eun rontso, qui exprime toujours le même concept de créer un terrain cultivable. Un autre terme, d’une certaine manière synonyme de ron, également répandu en toponymie, est novaillo « terrain récemment labouré et mis en culture », du latin novalis, avec une signification analogue mais qui, parfois, peut vouloir dire aussi « friche ».
Dans la toponymie de la Suisse Romande, nous trouvons des dénominations telles que Ronquoz, Ronques, « terrain défriché », déverbal du patois roncâ e Novalle, Novalletaz, Novel, Novelet, Novallys, « terre nouvellement défrichée et mise en culture ». Parmi les synonymes des deux noms précédents, on peut attester Eterpas, Eterpaz, etc., du latin exstirpare « défricher par arrachage des troncs », qui trouvent un correspondant dans le terme éterpa dans différents patois valdôtains, qui signifie « pioche », « pioche d’eau », outil qui autrefois était utilisé, et qui est l’est encore parfois aujourd’hui, pour des opérations analogues.
De nos jours, grâce à la mécanisation de l’agriculture, le défrichement d’un terrain consiste en une opération relativement simple par rapport au passé. Autrefois, il s’agissait en effet d’un dur labeur, difficile à décrire avec des mots, mais que l’Abbé Henry décrivait ainsi : « D’abord il s’agit d’un terrain souvent très en pente où même les mulets ne se tiennent pas debout, ou ne peuvent arriver ; puis c’est un terrain tout rempli de racines d’arbres et où il y a autant et plus de pierres que de terre. Alors il faut creuser et arracher ces racines ; puis extraire une à une les grosses pierres, les jeter au fond du ronc pour faire le mur de soutènement du futur champ ; puis ensemencer cette terre, dans laquelle même après retournée, il reste encore autant de petites pierres que de terre. Voilà le ronc de la montagne : les champs, les prés de la montagne ont tous été faits ainsi : toute la terre qu’ils contiennent est passée, pellée par pellée, sur les bras du ronqueur ou roncaté. Que je sache, il n’y a pas de termes français qui indiquent bien la chose : ce n’est ni défricher, ni défoncer, ni rompre, ni tourner, ni retourner, c’est ronquer ».
Texte ecrit par Saverio Favre