L'âille é lo poudzé
Seutta l'eu la conta d'eun drolo de parì euntre l'âille é lo poudzé : « Vèyèn qui l'eu bon de voléi pi âte su pe lo siel ? », tappe léi lo poudzé. To de suitte l'âille baille gneunca fèi a la bagga, méi, pe neun fenì, totchée deun son orgueuille, l'asette. « Poouro poudzé, pensâ l'âille, comme crè-seu de gagnéi ? T'i l'uzéi pi petchoou é delecatte que lo Bon Djeu l'a mandà su la tèra é mé dze si la padrounna dou siel ».
Eun pensèn a sen, l'âille uvre se groouse-z-ale é se caye deun lo vouiddo. Eun vol bâse é apréi su, tchéruya é portée pe l'er tsate que l'aprà poouye su di montagne. Eun poouyèn, le coouse topée di brenve é di pesse l'èyàn dza lèichà la plasse a l'eurba fréitse di montagne é apréi i cllapèi é a la nèi blantse di llachéi. Le mèizón, ou fon de la valada, sèyàn renque de tatse grize perduye deun lo verte di pra é l'ardzèn di toràn.
Méi l'âille n'èi panco proou, l'oujeu lèi féi vére ou poudzé... é paréi, eun féyèn de groou tôr, tchertchâ d'atre couràn é poouyâ euncora. De couràn todzôr pi frette é pi rèe, matèn a metrizéi, de couràn a retchérì avouéi le-z-ale gran uverte pe pa neun lèichéi scapéi gneunca an mia.
Ara, de su léi, se vèjeu renqueméi lo siel péise é lo solèi l'èi renque an lemiéye blantse sensa tsaleur. L'èi-t-arrevée a na limitta que l'èi jamé passà, gneunca can, pi dzovéya, pléya de foouse é de queriozità, l'èi defià lo Bon Djeu... Méi si coou son orgueuille n'èi panco proou é paréi, avouéi eun dèréi éfor, l'âille s'eu tappée su eun atro couràn, rèe é dzalà comme l'ooua de l'ivée... é su !
Tott'a l'euntôr y èi renqueméi lo silanse, l'âille senjeu son queur bechéi pe l'éfor é l'er l'èi si feun que lèi passâ euntre le plumme di-z-ale, totte uverte pe lo retchérì euncó eun momàn : jamé l'èi poouyée tan su. « Lo poudzé me vèdré-téi euncó de ba léi ? », pensâ l'âille pléya de fiertà. Méi eun se verièn, eun si momàn lèi semble-téi pa de sentì eun « tchepì » ?
L'èi lo poudzé que se sèi catchà dèzó son ala é l'èi reustà léi to si ten. L'èi tallamente petchoou que l'âille, se sèi gneunca apesuya de si côr sensa pèise é l'èi porta-ló canque su léi !
Ara, dézó son regar étoourà, lo poudzé se greumpeillâ su pe son crepión. Arevà ou cotsón de l'âille, euntremiéi di sinne groouse-z-ale, lo poudzé s'avéitche a l'euntôr, féi-t-eun petchoou soouto é : « Dz'i gagnà lo parì, lèi ditte, ara, soplé, porta-mé ba que éinque dz'i tan frette ».
Dèi si dzôr l'âille l'a-t-oublià son orgueuille é lo poudzé, deu étó uzéi dou frette, tchertche de varì son queur dzalà eun partadjèn lo ni avouéi d'atre poudzé, pendèn le lon mèise de l'ivée.
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L’aigle et le troglo
Voici l’histoire de l’étrange pari entre l’aigle et le troglo (*) : «Voyons-nous qui sait monter plus haut dans le ciel ? » lance le troglo. Sur le coup l’aigle ne prête même pas attention à ces mots mais pour finir, touché dans son orgueil, il accepte le défi. « Pauvre troglo – pense l’aigle – comment crois-tu l’emporter ? Tu es l’oiseau le plus petit et le plus frêle que le bon Dieu ait envoyé sur terre et moi je suis le seigneur des airs».
En songeant à cela, l’aigle déploie ses grandes ailes et se jette dans le vide. Une courte descente, et puis… en haut ! Soutenu et porté par l’air chaud qui l’après-midi remonte les pentes. Au fur et à mesure qu’il montait, les parois recouvertes de mélèzes et de sapins cédaient la place au gazon, aux rochers instables et, pour finir, aux neiges blanches des glaciers. Les maisons, au fond de la vallée, n’étaient plus que des petites taches grises, perdues dans le vert des prairies et l’argent du torrent.
Mais l’aigle n’en avait pas assez, il voulait bien lui faire voir au troglo… Et comme-ça, en traçant des grands cercles, il cherchait d’autres courants et montait encore. Des courants de plus en plus froids et raréfiés, difficiles a maîtriser ; des courants à retenir avec les ailes tendues pour ne pas en perdre un brin.
Maintenant, de là-haut, on ne voyait que l’azur du ciel, et le soleil n’était qu’une lueur blanche sans chaleur. Il était arrivé à la limite qu’il n’avait jamais dépassée, même pas quand, tout jeune, plein de force et de curiosité, avait défié le bon Dieu. Mais cette fois-ci son orgueil en demandait plus et ainsi, avec un ultime effort, l’aigle se jetta sur un autre courant, raréfié et glacial comme le vent de l’hiver… et il monta encore.
Tout autour ce n’était à présent que silence ; l’aigle entendait son cœur battre par l’effort et l’air était si éthéré qui s’échappait entre les plumes des ailes, tendues au maximum pour le retenir un peu plus : jamais il était monté si haut. « Qui sait si le troglo me voit encore de là-bas – songeait l’aigle, comblé de fierté – mais en ce moment, se retournant, ne lui semble-t-il pas d’entendre un tchépi ?
C’était le troglo : il s’était caché sous son aile et il y était resté tout ce temps. Le troglo était si petit que l’aigle ne s’était même pas aperçu de ce corps sans poids, et l’avait transporté jusque là. Maintenant, sous son regard incrédule, le troglo lui grimpait sur la croupe. Une fois atteint le dos, entre les deux grandes ailes de l’aigle, le troglo jette un regard autour de lui, fait un petit bond et : « J’ai gagné le pari – dit-il à l’aigle – maintenant, s’il te plaît, ramène-moi en bas, ici il fait si froid ».
Depuis ce jour-là, l’aigle a oublié son orgueil et le troglo, appelé aussi « oiseau des froidures », essaye de guérir son cœur glacé en partageant le nid avec ses semblables, pendant les longs mois d’hiver.
Introd - récit oral recueilli et adapté par Daniel Fusinaz
(*) Troglodyte mignon. Avec ses quelques 10g de poids, le troglo est le plus petit oiseau d’Europe après le roitelet. De caractère solitaire et indépendant, chaque mâle revendique son territoire. Curieusement, par les grands froids, cet instinct de solitude s'efface. Á ce moment, il cherche la compagnie de ses semblables pour passer la nuit ensemble dans un abri et se réchauffer ainsi les uns contre les autres.
L’aigle et le troglo
Voici l’histoire de l’étrange pari entre l’aigle et le troglo (*) : «Voyons-nous qui sait monter plus haut dans le ciel ? » lance le troglo. Sur le coup l’aigle ne prête même pas attention à ces mots mais pour finir, touché dans son orgueil, il accepte le défi. « Pauvre troglo – pense l’aigle – comment crois-tu l’emporter ? Tu es l’oiseau le plus petit et le plus frêle que le bon Dieu ait envoyé sur terre et moi je suis le seigneur des airs».
En songeant à cela, l’aigle déploie ses grandes ailes et se jette dans le vide. Une courte descente, et puis… en haut ! Soutenu et porté par l’air chaud qui l’après-midi remonte les pentes. Au fur et à mesure qu’il montait, les parois recouvertes de mélèzes et de sapins cédaient la place au gazon, aux rochers instables et, pour finir, aux neiges blanches des glaciers. Les maisons, au fond de la vallée, n’étaient plus que des petites taches grises, perdues dans le vert des prairies et l’argent du torrent.
Mais l’aigle n’en avait pas assez, il voulait bien lui faire voir au troglo… Et comme-ça, en traçant des grands cercles, il cherchait d’autres courants et montait encore. Des courants de plus en plus froids et raréfiés, difficiles a maîtriser ; des courants à retenir avec les ailes tendues pour ne pas en perdre un brin.
Maintenant, de là-haut, on ne voyait que l’azur du ciel, et le soleil n’était qu’une lueur blanche sans chaleur. Il était arrivé à la limite qu’il n’avait jamais dépassée, même pas quand, tout jeune, plein de force et de curiosité, avait défié le bon Dieu. Mais cette fois-ci son orgueil en demandait plus et ainsi, avec un ultime effort, l’aigle se jetta sur un autre courant, raréfié et glacial comme le vent de l’hiver… et il monta encore.
Tout autour ce n’était à présent que silence ; l’aigle entendait son cœur battre par l’effort et l’air était si éthéré qui s’échappait entre les plumes des ailes, tendues au maximum pour le retenir un peu plus : jamais il était monté si haut. « Qui sait si le troglo me voit encore de là-bas – songeait l’aigle, comblé de fierté – mais en ce moment, se retournant, ne lui semble-t-il pas d’entendre un tchépi ?
C’était le troglo : il s’était caché sous son aile et il y était resté tout ce temps. Le troglo était si petit que l’aigle ne s’était même pas aperçu de ce corps sans poids, et l’avait transporté jusque là. Maintenant, sous son regard incrédule, le troglo lui grimpait sur la croupe. Une fois atteint le dos, entre les deux grandes ailes de l’aigle, le troglo jette un regard autour de lui, fait un petit bond et : « J’ai gagné le pari – dit-il à l’aigle – maintenant, s’il te plaît, ramène-moi en bas, ici il fait si froid ».
Depuis ce jour-là, l’aigle a oublié son orgueil et le troglo, appelé aussi « oiseau des froidures », essaye de guérir son cœur glacé en partageant le nid avec ses semblables, pendant les longs mois d’hiver.
Introd - récit oral recueilli et adapté par Daniel Fusinaz
(*) Troglodyte mignon. Avec ses quelques 10g de poids, le troglo est le plus petit oiseau d’Europe après le roitelet. De caractère solitaire et indépendant, chaque mâle revendique son territoire. Curieusement, par les grands froids, cet instinct de solitude s'efface. Á ce moment, il cherche la compagnie de ses semblables pour passer la nuit ensemble dans un abri et se réchauffer ainsi les uns contre les autres.