L'oye é lou riérot (patoué dé l'invers dé Dounah)
Heutta y è la conquia dé na drola dé bataye tra n’oye é in riérot : « Viyèn vère qui arive mounté pieu at si pé lou chiel ? », ahtèque lai lou riérot. To sétó l’oye fèi gnanca cas a la baga, ma a la fén, per gneun féré-sé prenne in djira da in piquió rago, deui dé oi. « Poro guioou d’in riérot - pense l’oye - djeumme té fèi a pensé dé gagnì ? T’it l’ijé pieu piquiot é délicat qué lou Boun Guieu y a mandà sé la tèra é dzo sen la rèina dé l’ér ».
In pensèn paré, l’oye ivvre lé sinne grose ale é s’ahtèque dzi dou greup. Sen dzi in pocca… é pé si tot in crep, tineuya si é pourtaye dé l’ér tsat qué l’aprédiné monte si di mountagne. Man man qué alave si, lé dret couatà dé brenve, dé pèhe é dé vargno lichavo lou pos a l’erba, i hengue é i quiapèi é, pé, a la fioca bientse di guiahé. Lé méte, ou fon dé la valada, iro mamé dé picot gris, perdì ou méh dou vert di pra é l’ardzèn di rià.
Ma l’oye n’avive pancò prou, voulive féré-ié-là vère ou poro riérot. Paré, in fézèn dé gran tor, tchertchave d’atre courèn é mountave pieu si incorra. Dé courèn sempe pieu fredde é rére, malèine da gagnì; dé courèn da tchapé coun lé ale bén iverte per gneun perdé-nèn gnanca na friza. Arà, da lai si, viive mamé lou bleu dou chiel é lou soulèi ire pamé d’atro qué na lutche bientse sensa ren dé tsalour. Avive arivà qué pieu si avive mai alà, gnanca can, da dzouvenna, pyinna dé forhe é dé criouzità, avive voulì gagnì sou Boun Guieu. Ma hi co hé n’avive pa incò prou é paré, in fézèn lou daré sfors, l’oye y at ahtica-se deun n’atra courèn, réra é dzélaye djeumme l’ora dé l’ivér… é y a mountà pieu si incorra.
Tot outor sé sentive pa in son, ire to quèi: l’oye sentive bate lou queur dou sfors qué fézive é l’ér ire paré fén qué passave a traver di pimme di ale, totte iverte per tchapé-lo mieui : avive mai alà si paré at.
« Qui sa sé lou riérot mé vèi incorra da lai dzi », pensave l’oye totta fiéra, ma tot in crep y sembie-té pa dé sentì na tchuiricada?
Ire lou riérot : avive catcha-se dézò la sinna ala é avive pamé boudjà da lai. Lou riérot ire talamèn piquiot qué l’oye avive gnanca narcourzi-se dé hi cors sensa pés é avive pourta-lo figna lai si. Arà, totta ahtounaye, viive lou riérot qué y rampiave sou coupéhón. Arivà si, ou méh di sinne grose ale, lou riérot y at aviquia-se outor, y a fé in piquió soout é : « N’en gagnà dzo – y a deut a l’oye – arà, fèi-me lou piézì, mèine-mé torna dzi qué hé fèi na fret ! ».
Dépoué hi dzor lai, l’oye y a bassà lé ale é lou riérot, qué y et avouèi l’ijé dé la fret, tsertse dé varì lou sén queur dzélà in partadjèn lou nì, insembio d’atre riérot, per tchuì lé més dé l’ivér.
Récit oral recueilli et adapté par Daniel Fusinaz d’Introd
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L’aigle et le troglo
Voici l’histoire de l’étrange pari entre l’aigle et le troglo (*) : «Voyons-nous qui sait monter plus haut dans le ciel ? » lance le troglo. Sur le coup l’aigle ne prête même pas attention à ces mots mais pour finir, touché dans son orgueil, il accepte le défi. « Pauvre troglo – pense l’aigle – comment crois-tu l’emporter ? Tu es l’oiseau le plus petit et le plus frêle que le bon Dieu ait envoyé sur terre et moi je suis le seigneur des airs».
En songeant à cela, l’aigle déploie ses grandes ailes et se jette dans le vide. Une courte descente, et puis… en haut ! Soutenu et porté par l’air chaud qui l’après-midi remonte les pentes. Au fur et à mesure qu’il montait, les parois recouvertes de mélèzes et de sapins cédaient la place au gazon, aux rochers instables et, pour finir, aux neiges blanches des glaciers. Les maisons, au fond de la vallée, n’étaient plus que des petites taches grises, perdues dans le vert des prairies et l’argent du torrent.
Mais l’aigle n’en avait pas assez, il voulait bien lui faire voir au troglo… Et comme-ça, en traçant des grands cercles, il cherchait d’autres courants et montait encore. Des courants de plus en plus froids et raréfiés, difficiles a maîtriser ; des courants à retenir avec les ailes tendues pour ne pas en perdre un brin.
Maintenant, de là-haut, on ne voyait que l’azur du ciel, et le soleil n’était qu’une lueur blanche sans chaleur. Il était arrivé à la limite qu’il n’avait jamais dépassée, même pas quand, tout jeune, plein de force et de curiosité, avait défié le bon Dieu. Mais cette fois-ci son orgueil en demandait plus et ainsi, avec un ultime effort, l’aigle se jetta sur un autre courant, raréfié et glacial comme le vent de l’hiver… et il monta encore.
Tout autour ce n’était à présent que silence ; l’aigle entendait son cœur battre par l’effort et l’air était si éthéré qui s’échappait entre les plumes des ailes, tendues au maximum pour le retenir un peu plus : jamais il était monté si haut. « Qui sait si le troglo me voit encore de là-bas – songeait l’aigle, comblé de fierté – mais en ce moment, se retournant, ne lui semble-t-il pas d’entendre un tchépi ?
C’était le troglo : il s’était caché sous son aile et il y était resté tout ce temps. Le troglo était si petit que l’aigle ne s’était même pas aperçu de ce corps sans poids, et l’avait transporté jusque là. Maintenant, sous son regard incrédule, le troglo lui grimpait sur la croupe. Une fois atteint le dos, entre les deux grandes ailes de l’aigle, le troglo jette un regard autour de lui, fait un petit bond et : « J’ai gagné le pari – dit-il à l’aigle – maintenant, s’il te plaît, ramène-moi en bas, ici il fait si froid ».
Depuis ce jour-là, l’aigle a oublié son orgueil et le troglo, appelé aussi « oiseau des froidures », essaye de guérir son cœur glacé en partageant le nid avec ses semblables, pendant les longs mois d’hiver.
Introd - récit oral recueilli et adapté par Daniel Fusinaz
(*) Troglodyte mignon. Avec ses quelques 10g de poids, le troglo est le plus petit oiseau d’Europe après le roitelet. De caractère solitaire et indépendant, chaque mâle revendique son territoire. Curieusement, par les grands froids, cet instinct de solitude s'efface. Á ce moment, il cherche la compagnie de ses semblables pour passer la nuit ensemble dans un abri et se réchauffer ainsi les uns contre les autres.
L’aigle et le troglo
Voici l’histoire de l’étrange pari entre l’aigle et le troglo (*) : «Voyons-nous qui sait monter plus haut dans le ciel ? » lance le troglo. Sur le coup l’aigle ne prête même pas attention à ces mots mais pour finir, touché dans son orgueil, il accepte le défi. « Pauvre troglo – pense l’aigle – comment crois-tu l’emporter ? Tu es l’oiseau le plus petit et le plus frêle que le bon Dieu ait envoyé sur terre et moi je suis le seigneur des airs».
En songeant à cela, l’aigle déploie ses grandes ailes et se jette dans le vide. Une courte descente, et puis… en haut ! Soutenu et porté par l’air chaud qui l’après-midi remonte les pentes. Au fur et à mesure qu’il montait, les parois recouvertes de mélèzes et de sapins cédaient la place au gazon, aux rochers instables et, pour finir, aux neiges blanches des glaciers. Les maisons, au fond de la vallée, n’étaient plus que des petites taches grises, perdues dans le vert des prairies et l’argent du torrent.
Mais l’aigle n’en avait pas assez, il voulait bien lui faire voir au troglo… Et comme-ça, en traçant des grands cercles, il cherchait d’autres courants et montait encore. Des courants de plus en plus froids et raréfiés, difficiles a maîtriser ; des courants à retenir avec les ailes tendues pour ne pas en perdre un brin.
Maintenant, de là-haut, on ne voyait que l’azur du ciel, et le soleil n’était qu’une lueur blanche sans chaleur. Il était arrivé à la limite qu’il n’avait jamais dépassée, même pas quand, tout jeune, plein de force et de curiosité, avait défié le bon Dieu. Mais cette fois-ci son orgueil en demandait plus et ainsi, avec un ultime effort, l’aigle se jetta sur un autre courant, raréfié et glacial comme le vent de l’hiver… et il monta encore.
Tout autour ce n’était à présent que silence ; l’aigle entendait son cœur battre par l’effort et l’air était si éthéré qui s’échappait entre les plumes des ailes, tendues au maximum pour le retenir un peu plus : jamais il était monté si haut. « Qui sait si le troglo me voit encore de là-bas – songeait l’aigle, comblé de fierté – mais en ce moment, se retournant, ne lui semble-t-il pas d’entendre un tchépi ?
C’était le troglo : il s’était caché sous son aile et il y était resté tout ce temps. Le troglo était si petit que l’aigle ne s’était même pas aperçu de ce corps sans poids, et l’avait transporté jusque là. Maintenant, sous son regard incrédule, le troglo lui grimpait sur la croupe. Une fois atteint le dos, entre les deux grandes ailes de l’aigle, le troglo jette un regard autour de lui, fait un petit bond et : « J’ai gagné le pari – dit-il à l’aigle – maintenant, s’il te plaît, ramène-moi en bas, ici il fait si froid ».
Depuis ce jour-là, l’aigle a oublié son orgueil et le troglo, appelé aussi « oiseau des froidures », essaye de guérir son cœur glacé en partageant le nid avec ses semblables, pendant les longs mois d’hiver.
Introd - récit oral recueilli et adapté par Daniel Fusinaz
(*) Troglodyte mignon. Avec ses quelques 10g de poids, le troglo est le plus petit oiseau d’Europe après le roitelet. De caractère solitaire et indépendant, chaque mâle revendique son territoire. Curieusement, par les grands froids, cet instinct de solitude s'efface. Á ce moment, il cherche la compagnie de ses semblables pour passer la nuit ensemble dans un abri et se réchauffer ainsi les uns contre les autres.