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Yvette Buillet

Écrire, écrire et écrire encore… puis tout effacer… et écrire encore

Patoué eun mezeucca
Patoué eun mezeucca

Points de repère : la musique, l’écriture, la langue…

Quand tu grandis, tu peux t’accrocher à beaucoup de choses, chacun prend sa route. Moi, je me suis bien accrochée à la musique et au besoin d’écrire, ce besoin qui ne disparaît jamais. Parfois il se fait moins fort, moins perceptible, mais il te revient un jour ou l’autre, parce que tu ne peux vraiment pas t’en passer.

Et il y a des millions de feuilles de papier qui s’envolent un peu partout, que tu n’arrêtes pas de perdre et de retrouver, que tu jettes au feu aussi, avant de le regretter un peu.

Et puis il y a ta langue, le patois, parce que tu ne trouves pas d’autre langue pour écrire, parce que seul le patois te permet de ne pas mentir.

Le patois, c’est…

C’est ma langue depuis la naissance, mon drapeau, le monde de mes racines et de mon avenir. C’est la langue que j’utilise pour imaginer comment seront mes enfants. Parce que dans cet avenir, tu sais déjà que ce sera la langue que parleront tes enfants. C’est la langue que j’emploie quand je me chamaille, quand je pleure et quand je rêve. La langue de l’amour et de l’âme. Ce n’est pas la langue de la tradition et du folklore, parce que si je le pensais un jour, cela voudrait dire que le patois serait en train de mourir.

J’écris en patois…

Parce que c’est naturel et que c’est normal pour moi, parce que je sens que ce que j’écris est plus vrai et plus fort. Quand j’écris en patois, je peux donner aux mots la couleur qui me plaît le plus, j’ai tout l’arc-en-ciel à ma disposition. 

Ce que je chante

Les morceaux que je compose parlent de la Vallée d’Aoste, de ses contradictions, de la façon dont la Vallée d’Aoste s’est vendue et, avec elle, nous tous, les Valdôtains, en se gargarisant de mots comme « autonomie » et « indépendance ».

En patois, j’écris sur ce qui est réel et aussi irréel, pour raconter des rêves, une lune blanche qui nous regarde de là-haut et qui nous protège quand nous nous sentons plus fragiles.

En patois, je parle de la pluie du mois de mai et de ces nuits où l’obscurité recouvre toutes les choses et où tout reste dans l’ombre.

En patois, je peux raconter comment un corbeau est devenu symbole de liberté.

En patois, je peux chanter ces saisons où le poêle brûle lentement les jours qui manquent avant l’été.

En patois, j’écris l’histoire de ce partisan qui a franchi le col et rencontré une procession de sorcières.

yvette buillet

Pourquoi et pour qui je chante

Chanter en public a été à la fois un pari, un hasard et surtout une épreuve. Je chante pour laisser une trace. 

Ce qui reste, les rêves

Entretemps, je garde une petite trace de mon passage dans ce monde musical, avec un CD que j’ai fait en 2016. Il a pour titre Coéranse valdoténa : la conta di solèi que loujet fée la plodze (Cohérence valdôtaine : l’histoire du soleil qui voulait être la pluie). Il contient 13 chansons en patois et en français, qui parlent des incohérences valdôtaines, mais aussi d’autres thèmes liés au monde des sensations.

Coéranse valdoténa ?
Coéranse valdoténa ?

Trois femmes valdôtaines

Trois femmes valdôtaines ont marqué mon chemin dans le monde de la musique valdôtaine et je tiens à les remercier :

Magui Bétemps… merci Magui, parce que la chanson Sensa fota de vouaillé (Sans besoin de crier), c’est pour toi que je l’ai écrite et, sans m’en rendre pleinement compte, aussi un peu pour moi ;

Lidia Philippot… merci Madame !!! Merci de m’avoir expliqué qu’il n’est peut-être pas si étrange que cela de penser ne pas réussir à voler, même quand on a des ailes ;

Maura Susanna… merci Mauretta de m’avoir entraînée dans ce monde, de m’avoir conseillée, écoutée… et aussi de m’avoir dit que j’avais tort, de temps en temps !

Merci aussi…

À qui, au fil du temps, m’a écoutée et accompagnée durant les soirées et à qui m’écoutera ;
À qui marchande et vend à Rome tous nos rêves et nos droits, en nous engraissant comme il faut pour éteindre en nous la volonté d’ouvrir la bouche et de réfléchir ;
À qui, pour réveiller la Vallée d’Aoste, écrit des chansons et les chante, sans besoin de crier ;
À qui m’a raconté le combat sur les sommets gelés, l’odeur de la guerre et la soif de liberté ;
À qui m’a fait écouter le bruit assourdissant du silence, qui te brise les tympans en même temps qu’il te soigne et t’ébranle ;
À ma dépendance de l’écriture, à la fois besoin et maladie d’écrire, écrire, écrire… d’un seul jet ;
À cette émotion qui ne me quitte pas, à cette peur envoyée au diable de ne pas être égale aux autres, à l’importance de la diversité ;
Aux brebis noires qui pensent et parlent en patois, qui ne font pas confiance au folklore et qui font vivre cette langue dans leur quotidien, un jour après l’autre, parce que c’est normal ainsi.